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L’importance de l’intention

mountin

La peinture classique est le symbole de la plus haute spiritualité pour les Chinois. Dans son ouvrage Souffle-Esprit, Francois Cheng réunit un ensemble de textes considérés essentiels sur la pensée esthétique chinoise et son art pictural. S’échelonnant sur plus d’un millier d’années, depuis les T’sang (618-907) jusqu’aux Ts’ing (1644-1911), les textes présentés démontrent à quel point ce langage pictural est empreint de codes et de sens, tant sur le plan esthétique que philosophique.

Plusieurs règles et concepts encadrent l’art pictural chinois, notamment ceux du plein et du vide, du visible et de l’invisible, du souffle et de l’esprit, de l’achevé et l’inachevé et finalement celui du Yi. J’ai choisi dans le livre trois passages très intéressants qui, à mon avis, méritent notre attention car ils s’appliquent non seulement au langage pictural chinois mais aussi à toute forme d’expression et, d’une certaine manière, ils se rapportent aussi à une façon de concevoir nos choix et nos actions.

Yi  »intention »

 »Au cours d’une exécution, le Yi doit guider le mouvement du pinceau. C’est à dire que tout trait tracé doit être porté et prolongé par le Yi; il serait fâcheux en revanche qu’un tracé donne l’impression d’être allé trop loin par rapport au Yi. Car le véritable accomplissement d’un trait réside dans le fait même qu’il se laisse parachever par le Yi, et non point dans le trop-achevé. » Pu Yen-t’u (Dynastie Ts’ing). Le Yi se traduirait le plus simplement par: idée, intention, signification et juste vision.

Visible et invisible

 »Toute choses sous le ciel, et non seulement le paysage, comportent leur double aspect visible et invisible (…) Prenons un dragon qui sort de son son repère aquatique et s’envole dans le ciel. S’il se montre à nu tout entier, de quel mystère peut-il s’envelopper? (…) C’est bien par son visible-invisible que le dragon exerce son infini pouvoir de fascination. »
Pu Yen-t’u (Dynastie Ts’ing).

L’achevé et l’inachevé

 »En peinture, on doit éviter le souci d’accomplir un travail trop appliqué et trop fini dans le dessin des formes et la notation des couleurs, comme trop étaler sa technique, la privant ainsi de secret et d’aura. C’est pourquoi il ne faut pas craindre l’inachevé, mais bien plutôt déplorer le trop-achevé. Du moment que l’on sait qu’une chose est achevée, quel besoin y’a-t-il de l’achever? Car l’inachevé ne signifie pas forcément l’inaccompli; le défaut de l’inaccompli réside justement dans le fait de ne pas reconnaître une chose suffisamment achevée. »
Chang Yen-yuan (dynastie T’sang)

Voici donc une brève introduction à l’art pictural chinois et à ses principales règles. Je trouve particulièrement intéressant de réfléchir sur la profondeur philosophique de ces concepts et sur la résonance qu’ils peuvent trouver dans une multitude d’aspects de nos vies.

 »Souffle-Esprit », textes théoriques sur l’art pictural
François Cheng, Académie française. Auteur de plusieurs ouvrages sur le langage pictural chinois.